BAVCON, Jože. 200 years of the Ljubljana Botanic gardens. V: BAVCON, Jože (ur.). 200 let Botaničnega vrta v Ljubljani. Ljubljana: Botanični vrt, Oddelek za biologijo, Biotehniška fakulteta, 2010, str. 73-103. [COBISS.SI-ID 2288719]
Jože Bavcon
Synopsis
L’article traite de l’histoire du Jardin botanique de Ljubljana en apportant certains documents d’archives nouvellement découverts. Il clarifie et présente comparativement les évaluations du jardin de Paulin et de Voss pour la période commençant après F. Hladnik (1834) jusqu’à l’arrivée de A. Paulin (1886) en les comparant aux textes des documents d’archives du jardin concernant cette période qui, jusqu’à aujourd’hui, n’ont pas encore été présentés. Ces comparaisons montrent que, en dépit de tout, à travers toute la période de son activité, le jardin a pu assurer la continuité de travail nécessaire au développement de tout jardin botanique.
Mots-clés : jardin botanique, écoles supérieures, Provinces illyriennes, F. Hladnik, J. Biatzovsky, A. Fleischmann, A. Paulin, J. Lazar, V. Strgar.
Introduction
D’après les données documentées, ce sont les jardins de Dol près de Ljubljana qui sont considérés comme les premiers jardins un peu plus importants sur le territoire slovène.
Entre 1716 et 1758, ils appartenaient à Janez Benjamin Erberg. Après 1740, on commença à les modifier sous l’influence du style français qui prédominait à l’époque. C’est juste après 1783 qu’ils atteignirent le point culminant, et ce jusqu’en 1843, époque où leur propriétaire était Jožef Kalasanc Erberg. Henrik Freyer (1840) décrivit en détail ces jardins connus sous le nom de jardin botanique d’Erberg. Probablement ce sont précisément ces jardins-là qui ont été en quelque sorte à l’origine de la fondation du jardin botanique de Ljubljana en 1810 (Strgar 1991). L’axe central avec son pavillon et son allée a été conservé jusqu’à nos jours à Dol (Pergovnik Cotič 2009).
Certains auteurs mentionnent comme premier jardin botanique celui de Karel Zois (1754–1799). Comme date de sa fondation, ils indiquent l’année 1785 (Petkovšek 1960), mais Dobrilovič & Kravanja (2003) font remonter cette date à l’année 1781 sur la base de documents d’archives. Le jardin était célèbre pour ses particularités dendrologiques et ses plantes alpines, surtout pour les espèces endémiques, mais il possédait également beaucoup d’espèces étrangères (Petkovšek 1960, Praprotnik 1988, 2004, Dobrilovič & Kravanja 2003). Bien qu’il ait subi des changements, ce jardin a été préservé jusqu’à nos jours. Depuis 2008, ces biens sont classés comme monument culturel d’intérêt national, mais depuis 1991, ils sont également utilisés en tant que domaine protocolaire de la République de Slovénie (Koruza 2009).
À part les deux jardins mentionnés ci-dessus, il y avait encore à l’époque sur le territoire de la Slovénie actuelle d’autres parcs et jardins (Babič avec les collaborateurs 2009). Ljubljana possédait alors à elle seule un nombre considérable de parcs et jardins (Andrejka 1934, Dobrilovič & Kravanja 2003). Cependant, c’est en 1809 que commencèrent à Ljubljana des événements jardiniers très intensifs se déroulant à plusieurs endroits différents. Deux de ces emplacements étaient assez proches. En 1809, fut inaugurée l’allée de Zois située sur le terrain du fossé de fortification. D’après Voss (1885, réimprimé 2009), cela devait se trouver sur l’actuelle rue Zois. A cette époque, Franc Hladnik avait déjà effectué des plantations dans le jardin du lycée situé dans la cour du lycée, c’est-à-dire dans l’ancien couvent franciscain qui, dans les années 1788, se trouvait sur l’actuelle place de Vodnik, à l’emplacement occupé aujourd’hui par le marché (Ciperle 2001). Après le tremblement de terre de 1895, le bâtiment, très endommagé, a été démoli et cet espace aménagé en marché (Kajzer 1995, Ciperle 2001). Le monument de Vodnik qui s’y trouve avait été érigé avant (Ciperle 2001). Dans ce jardin, Hladnik cultivait certaines plantes de la Carniole pour les besoins de l’enseignement au lycée (Pintar 1939).
L’époque de Hladnik (1810–1834)
En 1809, l’armée française traversa le territoire de la Slovénie actuelle pour la troisième fois (après un premier passage en 1797 et un second en 1805–1806). En signant le traité de paix de Schönbrunn le 14 octobre 1809, Napoléon institua ensuite le même jour, par un décret, les Provinces illyriennes qui jouissaient d’une grande indépendance (Šumrada 1999a, Cvirn 2001). Ljubljana devint alors la capitale d’un pays tampon s’étendant du Tyrol jusqu’à Dubrovnik tout en coupant la monarchie habsbourgeoise de la mer (Šumrada 1998). Le maréchal Auguste-Frédéric Viesse de Marmont fut nommé premier gouverneur général (1774–1852) (Granda 2001). Les Provinces subsistèrent jusqu’en 1813 (Žmuc 2009, Polajnar 2009). En 2009, nous avons célébré en Slovénie le bicentenaire des Provinces illyriennes qui, à l’époque, représentaient une vraie renaissance nationale en raison de l’introduction de la langue slovène dans les institutions publiques (Dular et al. 2010).
Avec la fondation des Provinces illyriennes susmentionnées, Hladnik, d’après Voss (1885), obtint bientôt un nouveau terrain le long de la rue Karlovška cesta, près du canal de Gruber construit dans les années 1772–1780 afin de commencer l’assèchement du marais de Ljubljana dont la surface était de 163 km2. L’objectif des travaux était de protéger Ljubljana des inondations (Bleiweis 1989). Comme on l’indique, ce terrain ou champ labouré, était déjà destiné aux besoins de l’armée (Pintar 1939) et on y cultivait des pommes de terre (Lazar 1954). Certains textes sur l’histoire du jardin (Lazar 1954, 1960, Strgar 1973, Bavcon 2000), ainsi que certains articles de journaux de l’époque, mentionnent que Hladnik avait à sa disposition deux possibilités : l’emplacement sur le domaine de l’actuel parc Tivoli ou celui-ci près du canal. Il était probablement plus facile et plus simple d’aménager un terrain sur un champ labouré où la terre avait été déjà cultivée plutôt que sur le domaine du parc Tivoli où elle ne l’était pas. Une source journalistique plus récente (Slovenec 1942) avance encore une raison supplémentaire : F. Hladnik aurait accepté ce terrain parce qu’il s’intéressait beaucoup aux saules et qu’une espèce particulière de saule poussait justement là. Vu la situation dans le monde où de nombreux jardins botaniques étaient créés un peu partout, la deuxième supposition fondée sur le constat qu’il s’agissait là d’un terrain appartenant à l’État qu’on pouvait donc destiner à cette fin plus facilement, semble la plus probable. À travers l’Europe, les jardins botaniques étaient souvent aménagés sur des terres appartenant à quelque souverain ou sur des terrains plutôt incultes qu’on leur destinait.
Étant donné qu’un champ labouré s’y trouvait déjà, le partage en carrés ne présenta sans doute aucune difficulté. De plus, le fait qu’un arrêté de Marmont mentionnait le jardin, signifiait qu’il fallait vite y faire quelque chose. C’est précisément pour toutes ces raisons que le choix de ce terrain semble logique. Après de nombreux essais réalisés par les différents gouvernements révolutionnaires, l’instruction française fut instaurée sur la base du décret de la Convention nationale (Convention nationale – représentants du peuple : 1792–1795) de 1795 qui avait institué la création des écoles centrales pour l’enseignement de toutes les sciences et des arts. Le jardin botanique constituait une composante obligatoire de ce système (Polec 1929). L’arrêté de Marmont du 4 juillet 1810 concerne cette exigence : dans l’article 9, il est stipulé que, en plus de la bibliothèque, des cabinets de physique et de chimie, il fallait également créer un jardin botanique. L’arrêté, entré en vigueur le 1er octobre 1810, éleva les écoles supérieures en Illyrie au rang d’établissements de niveau universitaire, à la différence des écoles centrales en France (Polec 1929, Pintar 1939, Baras 1984, Šumrada 1999b, Ciperle 2009).
Hladnik était sans doute bien conscient du coût de ce travail et il savait que, s’il voulait obtenir des moyens, il devrait vite avoir quelque chose à montrer aux autorités. Bien que certaines sources aient cité comme date de fondation du jardin l’année 1809, celle-ci est certainement fausse. En effet, les Provinces illyriennes avaient été instaurées le 14 octobre 1809, après la signature du traité de paix déjà mentionné, il est fort peu probable que le pouvoir français se soit occupé de la création du jardin botanique avant cette date. Or, comme nous l’avons déjà mentionné, Hladnik avait alors son jardin dans la cour du lycée. Dans son manuscrit de 1928, Paulin indique aussi que le maréchal Marmont avait accordé une partie du terrain de l’actuel jardin au préfet du lycée Franc Hladnik en 1809. En automne, Hladnik a déjà pu y introduire quelques plantes, mais en raison des conditions climatiques de Ljubljana, le travail avait certainement été interrompu en novembre et décembre, de sorte qu’il fallut attendre le printemps suivant pour pouvoir commencer à planter les végétaux. C’est la raison pour laquelle l’année 1810 peut être vraisemblablement considérée comme la date exacte d’ouverture du jardin. Il est également fort probable que le milieu auquel appartenait, entre autres, Hladnik était conscient de ce renouveau national et des possibilités qu’offraient les Français (introduction de la langue slovène et des écoles supérieures appelées « écoles centrales »). Cela a contribué à accroître encore leur enthousiasme pour ce travail. L’allée de Zois aurait pu représenter une impulsion supplémentaire. Ici, une question s’impose : l’allée de la rue Karlovška cesta n’avait-elle pas été créée dans ce sens ? N'étant bordée de bâtiments que partiellement, elle offrait ainsi la possibilité de continuer la plantation jusqu’au jardin. Le terrain rendait donc possible l’agrandissement du jardin dans le futur. Comme on peut le voir sur la carte réalisée en 1811, la route qui longeait le jardin était déjà bordée d’arbres. Dès 1810, Hladnik planta sur ce terrain, comme il l’indiquait dans sa lettre du 27 décembre 1810 adressée à Jožef Walland, le régent (recteur) des écoles centrales, au moins 447 plantes. « Le jardin botanique de Laibach a été peuplé au mois de Septembre de 447 espèces Linnéennes. Ce n’était que le commencement d’un travail pénible. Il faut encore beaucoup d’excursions avant que le jardin soit digne de son nom. La flore de Laibach étant presque épuisée, il faudra faire des voyages lointains. Les frais monteront pour l’année 1811 à 900 francs » (ZAL, LJU 184). Il existe encore une lettre de 1811, datée du 8 juin, que le recteur écrivit à l’inspecteur général de l’instruction publique, Zelli, et dans laquelle il est fait référence à la lettre de Hladnik concernant le règlement des frais de location d’un pré (d’un montant de 129 francs 29 centimes et 29 milimes) pour les besoins du jardin botanique (ZAL, LJU 184). Dans une autre lettre, datée du 22 juin 1811, Hladnik rapporta que, durant le premier trimestre, les frais pour le jardin botanique ont atteint la somme de 110 francs 59 centimes et 60 milimes. Il demanda que la somme de 500 francs destinée à l’enseignement de la botanique par semestre soit payée sans délai. Autrement, sans une aide immédiate et efficace, l’année serait perdue pour le jardin botanique (ZAL, LJU 184).
Dans les sources journalistiques anciennes, on trouve toujours, encore aujourd’hui, la date du 11 juillet 1810 comme jour d’ouverture du jardin botanique (appelé alors « Jardin de la flore nationale »). En dépit des investigations de divers chercheurs ayant rassemblé la documentation concernant les Provinces illyriennes, auxquelles s’ajoute ma propre consultation des documents des Archives de la République de Slovénie ainsi que des Archives historiques de Ljubljana pour cette période, personne n’a encore réussi à trouver ce document. Strgar (1973) est le seul à citer un document ultérieur daté du 10 mars 1814 et qui mentionne le 11 juillet 1810 comme la date la plus tardive de l’ouverture du jardin. Le Télegraphe officiel des provinces Illyriennes, le journal de cette époque qui aurait pu rapporter la nouvelle, commença à paraître plus tard, le 3 octobre 1810, et sa publication continua jusqu’au 26 septembre 1813. Dans ses mémoires, le maréchal Marmont ne mentionne que le lycée de Ljubljana (traduction et adaptation en croate Baras 1984). Il signala que le lycée se trouvait entre les mains de gens compétents et qu’il suffisait, pour améliorer encore la qualité de l’enseignement, de le doter d’un jardin botanique. Avant ceci, il mentionne encore la création des écoles supérieures à Ljubljana et à Zadar. Hladnik ne mentionne pas non plus cet évènement dans ses lettres. Pourtant, dans les textes d’archives manuscrits plus tardifs, on trouve une information rapportant que le maréchal Marmont aurait, à l’occasion de l’ouverture, planté en tout huit arbres, et certains articles de journaux plus anciens indiquent qu’il s’agissait d’un tilleul et d’un orme (Juvan 1942) qui serait tombé deux ans plus tard (Wraber T. 1944). Cent ans après le début de l’activité du jardin, quelques articles de journaux (du 30 décembre 1911) rapportent même que c’est seulement en 1811 et 1812 qu’on aurait commencé à y planter des végétaux ce que nous pouvons réfuter aussi grâce aux lettres de Hladnik de 1810 versées aux archives municipales et qui sont publiées dans le présent article. D’ailleurs, il est vrai que, dans sa première lettre, Hladnik écrit de façon critique qu’il faudrait encore beaucoup de travail avant que le jardin ne devienne un vrai jardin botanique.
Un catalogue des plantes en date de 1812 est conservé depuis lors ; il fut probablement rédigé par Michel Tušek signé en bas, mais sans doute à l’instigation de Hladnik. C’est la chercheuse de l’histoire de botanique, N. Praprotnik (2009), qui a récemment découvert ce catalogue dans les Archives de la République de Slovénie. Nous en publions le fac-similé avec son commentaire dans le numéro jubilaire 200 ans du Jardin botanique. Jusqu’à présent, les données les plus anciennes provenaient des écrits de H. Freyer (1829). De ce catalogue manuscrit de façon très lisible, il apparaît que déjà à cette époque le jardin possédait à côté des genres indigènes bien représentés comme c’est le cas d’Anemone qui est par exemple présentée avec plusieurs espèces poussant chez nous (A. trifolia, A. pratensis, A. ranunculoides, A. nemorosa et A. hepatica), d’autres espèces étrangères cultivées sûrement dans les jardins de l’époque, car de nombreuses personnes qui créaient ces jardins commandaient les plantes dans différents pays du monde (Andrejka 1934, Dobrilovič & Kravanja 2003). Ainsi, on trouve sur cette liste de l’époque des espèces comme Aster novae-angliae, Aster novi-belgii, A. chinensis, Asclepias syriaca, Carthamus tinctorius, Mirabilis jalapa, et Rudbeckia laciniata, pour n’en citer que quelques-unes. Comme il ressort des archives, Hladnik reçut au mois de novembre 1811, en tant que professeur des écoles centrales, la somme de 130 francs, selon les indications du livre des dépenses des écoles centrales. Les salaires des autres professeurs se trouvaient dans la même fourchette (ZAL, LJU 184 (226)). D’après certaines sources, on estime que 3000 francs ont été prévus pour les frais matériels de la bibliothèque, du cabinet de physique et de chimie ainsi que pour le jardin botanique (Polec 1929). D’après d’autres sources, le jardin botanique aurait reçu un tiers de cette somme, c’est-à-dire 1000 francs (Lazar 1960). Dans le budget, les frais concernant le gardien du jardin botanique, qui s’élevaient à 500 francs par an, étaient mentionnés à part. Cependant, dans sa lettre adressée au régent (recteur) le 27 décembre 1810, Hladnik lui-même écrivit que l’année suivante le ramassage des plantes pour le jardin (frais de voyage) coûterait 900 francs. On serait obligé d’aller chercher les plantes ailleurs que dans les environs de Ljubljana, ce qui nécessitait des moyens financiers supplémentaires (ZAL, LJU 184).
Franc de Paula Hladnik est né le 29 mars 1773 à Idrija, là où se trouvait à l’époque la mine de mercure la plus importante de toute la monarchie habsbourgeoise exploitée alors depuis plus de 200 ans. Il était le fils de Matija, surveillant des mines, et de Doroteja Hladnik. Comme la mine permettait de vivre à tous les habitants de ce bassin où la terre cultivable était rare, il paraissait logique que son père voulût, au début, l’initier à l’industrie minière pratique. Pourtant, le jeune Hladnik ne témoignait aucun intérêt pour cela et préférait les études. En tant que surveillant, le père fut assez avisé pour mettre son fils d’abord à l’école primaire, qui se trouvait à Idrija, et ensuite au lycée à Ljubljana où Franc Hladnik termina ses études en 1789 avec la mention très bien. Durant les années 1790–1791, il poursuivit des études de philosophie au lycée et obtint également la mention très bien. Puis, il étudia la théologie et, le 19 juin 1795, il fut ordonné prêtre. Comme il était de santé fragile, il n’exerça jamais son sacerdoce (Rechfeld 1849, Voss 1884, Praprotnik 1994). La même année, il devint scripteur à la bibliothèque du lycée de Ljubljana. Le 8 octobre 1796, il fut nommé professeur de la quatrième classe de l’école normale, puis, en 1800, professeur non titulaire à l’école technique de Ljubljana ; le 21 juin 1802, il devint directeur de l’école normale à Ljubljana (d’abord à titre temporaire avant d’être titularisé le 5 janvier 1803). En 1807, on lui confia le poste du proviseur du lycée de Ljubljana.
Compte tenu des fonctions qu’il remplit, on voit qu’il était très compétent, car, bien que n’étant pas originaire de Ljubljana, il grimpa rapidement dans l’échelle hiérarchique. Son savoir et le fait qu’il accomplissait avec succès les tâches qui lui étaient confiées l’aidaient dans sa progression. À l’époque des Provinces illyriennes, il devint professeur de botanique et d’histoire naturelle aux écoles centrales comme il apparaît d’après les documents et les écrits d’archives (Rechfeld 1849, Voss 1884, Polec 1929, Pintar 1939, Arhiv RS). Bien qu’il eût occupé un poste important de professeur dans les écoles de l’époque, tout en dirigeant aussi le jardin botanique, Hladnik n’eut aucune difficulté après la restauration du pouvoir habsbourgeois qui suivit l’abolition des Provinces illyriennes en 1813. Les sources indiquent que les Autrichiens espionnaient le territoire des provinces, ce qui signifie qu’ils espionnaient aussi les personnes qui collaboraient avec les Français, pourtant, au moment de la restauration du pouvoir, le savoir et les compétences prévalurent. Sinon, comment expliquer le fait que la commission de la cour pour les études écrivit dans le décret du 4 décembre 1815 que, sous la direction de Hladnik, le niveau du lycée s’était tellement amélioré en deux ans que l’on pouvait le comparer aux meilleurs lycées des provinces autrichiennes ? Le 13 mars 1819, l’empereur François Ier décora Hladnik d’une « grande médaille d’or dotée d’un anneau et d’un ruban », selon les termes employés par Voss (1884). Hladnik porte cette décoration sur le côté droit de la poitrine sur le seul portrait existant, réalisé par Amalija pl. Hermannsthal et conservé au Musée national de Slovénie. Ce portrait a été présenté à l’exposition organisée à Ljubljana par le Musée national de Slovénie en 2009–2010 à l’occasion du bicentenaire des Provinces illyriennes. En plus de son savoir, qui était sans aucun doute très étendu, Hladnik devait avoir un grand sens de l’organisation, vu les fonctions qui lui furent confiées. Il réussit à diriger aussi bien le lycée que le jardin, élevant les deux institutions à un haut niveau. Tout de suite après la suppression des Provinces illyriennes, il réussit à conserver le jardin botanique bien que le pouvoir habsbourgeois ait supprimé toutes les institutions françaises. Peut-être qu’on pourrait attribuer cela au caractère de Hladnik que Voss (1884) décrit ainsi, d’après Babnigg : « Son principe de base était d’écouter et de se taire. » Puis, il ajoute : « Parmi tous ses dons, c’était surtout son intellect qui le distinguait des autres. »
Les relations que Hladnik entretenait avec le botaniste autrichien Host jouèrent certainement un rôle important dans la préservation du jardin botanique après le retour des anciennes autorités. Pintar (1939) n’hésite pas à l’appeler l’ange gardien du jardin botanique de Ljubljana. Dès 1812, Hladnik était en correspondance avec lui et lui envoyait aussi des plantes. Host avait collaboré avec les botanistes qui exerçaient leur activité en Carniole surtout avec Karel Zois. À Ljubljana, il y avait le cercle de Zois, mené par Žiga Zois, le frère de ce dernier, (Aljančič et alii 2001). L’élite cultivée de l’époque en faisaient partie. Jernej Kopitar, auteur de la première grammaire scientifique de la langue slovène qui, à cette époque, vivait et travaillait à Vienne, mentionna Host dans une lettre envoyée à Zois. « Récemment, j’ai fait la connaissance du botaniste Host dans son jardin près du Belvédère [le jardin botanique de Vienne] lorsque je m’y promenais avec le bibliothécaire universitaire. Je ne savais pas du tout qu’il était Illyrien. Il était précisément en train d’écrire à Hladnik. » (Kopitar 1812). C’est que pour Host, qui était né le 6 mars 1761 à Rijeka (Fiume), sur le territoire de l’actuelle Croatie, et était mort en 1834, l’esprit illyrien ressuscité par les Français, ne lui était pas étranger.
Probablement, ce fut Wulfen qui initia Franc Hladnik à la botanique, comme l’indique Voss (1884) en se référant à une lettre datée du 19 mars 1803 dans laquelle Wulfen le remercie. Wulfen mourut en 1805, donc bien avant que Hladnik n’ait commencé à enseigner la botanique. Hladnik commençait à jouir d’une réputation grandissante parmi les botanistes européens. C’est ainsi qu’il entretenait, depuis 1812, une correspondance régulière avec Host et, en 1821, ils se rencontrèrent aussi à Ljubljana lors du congrès de la Sainte-Alliance qui s’y tenait. Il s’agissait d’un congrès politique auquel participèrent le tsar russe Alexandre Ier, l’empereur autrichien François Ier, le roi de Naples Ferdinand IV et le souverain de Modène François IV ainsi que les représentants de la France, du Royaume Uni, de la Prusse et de certains États italiens, sans compter environ cinq cents autres personnages importants. Au moment du congrès, Ljubljana comptait 20 000 habitants. Pour toutes les personnes mentionnées, de même que pour leur personnel d’accompagnement, il fallait aménager des résidences. Le congrès qui dura du 10 janvier jusqu’au 22 mai 1821, attira alors à Ljubljana, où une vie très mondaine se déroula justement à cette occasion, de nombreux visiteurs venus d’autres régions de la monarchie ainsi que d’autres pays (Šumrada 1992, Holz 1997). Host arriva alors à Ljubljana en tant que médecin de l’empereur François Ier (Pintar 1939). C’est ainsi qu’il a peut-être pu rencontrer à plusieurs reprises son ami Hladnik et discuter avec lui ; on trouve la preuve de cette amitié dans les notes manuscrites du jardin. Selon les sources (Voss 1884), Hladnik apporta de nombreuses contributions à deux ouvrages de Host intitulés Salices et Flora austriaca.
À l’époque de Hladnik, le jardin fut agrandi et, peut-être déjà en 1828, entouré d’un mur ; par la suite, un pavillon y fut construit. En dépit de tous ces travaux, on parlait déjà à l’époque de déplacer le jardin plus près du centre ville à Tivoli, sur le terrain entre la forêt et l’allée de Latterman, l’allée principale du château Cekin. Pintar (1939) ajoute que Hladnik lui-même était favorable à cette idée. Pourtant, ce plan ne fut pas réalisé à l’époque.
Jusqu’en 1834, Hladnik donna des cours de botaniques « retentissants ». Ses cours de botanique, qui constituaient une matière optionnelle, représentaient un avantage pour Ljubljana par rapport à l’enseignement dispensé dans les autres villes de la région où il n’y en avait pas (Pintar 1939, Ciperle 2001). Hladnik a ainsi initié à la botanique de nombreux disciples, comme, par exemple, Freyer, Graf et Tommasini. En ce qui concerne Freyer, Hladnik craignait qu’il ne se consacrât pas trop à la botanique au point à un pas termina ses études. C’est pourquoi, au début, il ne lui laissa même pas suivre son cours. Cependant, plus tard, il l’encouragea et le recommanda même à ses collègues viennois, N. T. Host (1761–1834) et J. F. Jacquin (1766–1839) (Wraber 2002). À côté du Jardin de la flore nationale, qui fut incontestablement la réalisation la plus importante de Hladnik, un monument vivant resté sur les mêmes lieux jusqu’à nos jours, notre botaniste constitua aussi un riche herbier de plantes carnoliennes et laissa une nomenclature manuscrite qui compte 3484 espèces ainsi qu’une riche bibliothèque. En 1836, il fit don de son herbier et de cette nomenclature au Musée régional de Carniole, nouvellement fondé, qui se trouvait à partir du 4 octobre 1831 au rez-de-chaussée de l’édifice du lycée. Par la même occasion, il légua sa bibliothèque à la bibliothèque du lycée (Voss 1884) où il avait commencé sa carrière.
Accompagné d’Andrej Fleischmann (1804–1867) qu’il avait engagé comme apprenti jardinier au jardin botanique alors qu’il avait à peine quatorze ans, Hladnik fit de nombreuses excursions (Wraber 1963, Praprotnik 1993a). Comme l’indique Freyer (1829), il apportait les plantes de divers coins de la Carniole de l’époque. Parmi les lieux concernés, il cite : Ljubelj, Korošica, Zelenica, Bohinj, Krn, Črna prst, Porezen, Jelenk, Goljaki, Čaven, Nanos, Vremščica. À part cela, Voss (1884) mentionne encore la vallée de la Soča (Isonzo) et de la Drave.
Dans son Histoire de la botanique en Carniole, Voss (1884) divise la période allant jusqu’en 1884 en trois époques : l’époque classique, qui commence avec l’arrivée de Scopoli à Idrija en 1754, puis l’époque de Hladnik, qui va de 1801 à 1852, et enfin en époque des dernières trente années. Comme la première époque est, à juste titre, liée au nom de Scopoli, de même la deuxième porte le nom de Hladnik, bien qu’elle dépasse la date de sa mort, c’est-à-dire l’année 1844 (Bleiweis 1844). Peut-être qu’il serait raisonnable de clore cette époque avec A. Fleischmann, qui poursuivit le travail de Hladnik, d’autant que ce partage semble justifié puisque, vers la fin, Fleischmann se consacra beaucoup à la botanique pratique, à l’arboriculture fruitière et à l’horticulture (Praprotnik 1993a).
L’époque de Biatzovsky et de Fleischmann (1834–1867)
En 1834, Hladnik fut mis à la retraite à sa demande ; le médecin Janez Nepomuk Biatzovsky (1801–1863) prit sa relève à la direction du jardin ainsi qu’au cours de botanique dispensé au lycée. Ce dernier arriva à Ljubljana en 1833 comme professeur de physique, chimie et botanique à l’école médicochirurgicale, mais il ne fut nommé professeur titulaire qu’en 1839. À peine dix ans plus tard, en 1843, il obtint l’attestation confirmant son engagement définitif (Pintar 1939). Tout comme Hladnik, Biatzovsky joua un rôle important dans l’éducation de la jeune génération de botanistes (Praprotnik 1993a, Archives du jardin). Il dirigea le jardin avec succès jusqu’en 1850, année de sa mutation à Salzbourg. C’est lui qui nomma d’après Hladnik la Scopolia hladnikiana, appelée aujourd’hui S. carniolica f. hladnikiana (Biatz. & Fleischm, E. Mayer). Sous sa direction, en 1842, le jardin fut agrandi et atteignit ainsi 76 ares. Après sa mutation à l’école médicochirurgicale à Salzbourg, Biatzovsky y réaménagea l’ancien jardin botanique en le dotant d’un contenu plus scientifique. Il introduisit aussi un échange international des semences (Pintar 1939).
Après le départ de Biatzovsky, Andrej Fleischmann prit la direction du jardin. Il reprit également les cours de botanique au lycée qui constituaient une matière à option introduite par Hladnik. De plus, il enseigna au stage préparatoire et à l’école agricole l’arboriculture fruitière qui commençait alors à jouer un rôle important. En 1844, Fleischmann publia l’ouvrage intitulé Übersicht der Flora Krains, précis de la flore carnolienne qui, parmi les botanistes, n’est d'ailleurs pas considéré comme un ouvrage très fiable. Fleischmann dirigea le jardin avec succès tout en continuant à populariser les plantes et le jardin comme avait commencé à le faire Hladnik lui-même. Ses cours étaient ainsi suivis par des hommes importants tels que F. Erjavec, I. Tušek, J. Šafer. Il organisait aussi des visites guidées du jardin. Celui-ci fut ouvert au public les après-midi où il ne pleuvait pas. Comme l’indique Praprotnik (1939a), à la différence de Hladnik, Fleischmann écrivait et publiait beaucoup. En plus de l’ouvrage déjà cité, il publia des articles dans Carniolia (1838–1843), ainsi que dans les revues Flora et Verhandlungen des zoologisch – botanischen Vereins in Wien. Ce fut en 1844 qu'il commença à écrire en slovène dans le journal de Bleiweis (nouvelles agricoles et artisanales). Il s’occupa avant tout de l’arboriculture fruitière et participa en tant qu’expert aux expositions. En 1839, il devint membre correspondant du Jardin botanique bavarois, et, en 1841, membre de la Société agricole carnolienne. Fleischmann n’avait pas de formation académique comme il apparaît dans une lettre de Host adressée à Hladnik par laquelle il promettait à ce dernier d’envoyer Fleischmann dans une école à Vienne afin qu’il apprît le jardinage et l’allemand. Cependant, vu le travail qu’il y avait au jardin, ce que Hladnik mentionna dans sa lettre, vraisemblablement il n’y alla jamais (Rechfeld 1849). En dépit de son instruction professionnelle lacunaire, Fleischmann a bien popularisé le jardin dans son époque. Dans le journal Carniolia, il publiait quelles plantes fleurissaient dans le jardin depuis le début mai jusqu’à la fin août 1839 (Praprotnik 1993a).
Évaluations comparatives pour la période 1834–1886
Tous les précis de l’histoire du jardin jusqu’à ce jour signalent qu’une période moins faste suivait l’époque de Fleischmann et que le jardin régressa (j’ai moimême repris ces sources – Bavcon 1996, 1998, 2000 – Paulin 1929, Lazar 1960, Strgar 1973). Et pourtant, on ne peut que difficilement admettre cette constatation, vu la description du jardin de l’époque faite par Voss (1885) et les sources écrites non signées venant des archives du jardin se référant aux rapports annuels plus anciens concernant les activités du jardin. Il faut dire que c’était une période où l’arboriculture fruitière et l’horticulture étaient considérablement favorisées. Après Fleischmann, qui avait commencé à s’y intéresser, Konschegg et le jardinier Rulitz avait continué dans le même sens. Selon les sources manuscrites conservées au jardin botanique, Konschegg arriva à Ljubljana de Maribor le 16 octobre 1854 pour enseigner au lycée. En 1862, il devint directeur à titre provisoire du nouveau collège de Kranj, mais déjà en 1863, il fut de retour. En 1866, une source signalait qu’il enseignait de nouveau l’histoire naturelle, et le 17 juin 1867, à peine 12 jours après le décès de Fleischmann (survenu le 5 juin 1867), il fut nommé directeur du jardin.
Lorsque nous lisons la description exemplaire du jardin de cette époque, une image tout à fait différente apparaît. La source manuscrite venant du jardin indique que l’arboretum fut planté en 1868 dans une partie non encore exploitée où furent plantées aussi d’autres cultures. On y précise également que le budget du jardin s’élevait à 420 florins auquel s’ajoutait une subvention de 210 florins pour le paiement du jardinier. On y apprend que récemment le jardin s’est doté d’une nouveauté – d’un alpinum. Pour l’année 1871–1872 la source manuscrite cite que le jardin botanique s’est enrichi de 150 espèces, pour la plupart plantes alpines offertes par le maire de l’époque, Deschmann, puis par les professeurs Linhart, Tušek et Wurner. Dans les années 1872–1873, l’arboretum fut complété par 100 espèces. Pour l’année 1873–1874, on remarque que l’hiver sans neige a fortement endommagé les plantes alpines et que ce dégât ne pourrait être réparé que l’année suivante, ce qui a vraiment eu lieu au cours des années 1875–1876. Pour les années 1878–1879, on indique de nouveau que 105 plantes alpines ont été plantées sur la colline. En 1882–1883, on ajoute que, dans le futur, l’arboretum serait abandonné.
À part ces documents manuscrits qui, à côté d’autres plantes, mentionnent chaque année l’arboretum (ce qui tendrait peut-être à démontrer que des moyens étaient consacrés à cette fin), il existe également un plan horizontal du jardin dont l’organisation est exemplaire, une description et une énumération des plantes faite par Voss (1885). L’image que nous renvoient ces deux sources n’est pas aussi déplorable que l’indique plus tard Paulin (1928) dans son rapport manuscrit. D’ailleurs, il est vrai que ce mauvais état est mentionné dans un article du journal Slovenec de 1942 dans lequel le directeur du jardin, Franc Juvan, explique au journaliste que, à l’époque de Konšek (Konschegg), le jardin se dégradait. Peut-être que cette fâcheuse image du jardin à l’époque mentionnée relève du rapport précité que Juvan avait fait pour le journal, se référant lui-même très vraisemblablement au rapport de Paulin. On n’est probablement pas loin de la vérité en disant que les conséquences des tendances de l’époque à favoriser l’arboriculture fruitière se ressentaient aussi dans la gestion du jardin.
Paulin rapprocha de nouveau le jardin de l’esprit de Hladnik et des jardins botaniques européens de ce temps-là. Peut-être s’était-il montré critique afin d’obtenir des crédits pour le jardin et pour les excursions qu’il venait d’entreprendre à travers la Carniole. On pourrait en effet difficilement croire que le jardin, présenté comme si admirable dans un ouvrage de 1885, fût, une année plus tard, complètement négligé et abandonné. Il est vrai que cela peut vite arriver dans un jardin, pourtant, pour cette époque, cela nous semble moins probable. Ce qui étonne le plus c’est le fait que Paulin n’ait pas tout de suite congédié le jardinier Rulitz. Au contraire, celui-ci travailla avec lui encore bien des années. Vu le rapport ultérieur concernant la construction du pavillon après le tremblement de terre, il semble que Paulin ait été très critique et pas satisfait de ce qui avait été fait. Dans ses notes, il est écrit qu’un nouveau pavillon avait été construit en 1897, mais qu’il était inutilisable. Lazar (1954) mentionne que le pavillon a été édifié en automne 1897, qu’il était plus grand que le précédent, cependant, faute de moyens, deux fois moins grand que ce qui avait été prévu au départ.
En vue d’une comparaison avec le rapport ultérieur de Paulin, permettez-moi de citer un seul passage de la description du jardin de l’époque (1885), faite par Voss, et ceci sans changer les noms, pour que les constatations mentionnées puissent être mises en valeur encore plus. « Le jardin est doté de trois entrées : une entrée principale (1) et deux autres entrées généralement fermées (2, 3). En entrant par la première, un sentier bordé dans toute sa longueur à gauche et à droite de centfeuilles à longues tiges mène jusqu’au pavillon (h). »
« Comme il apparaît sur le plan, le long du sentier sont situés des parterres de fleurs où poussent des plantes d’agrément. Ici se trouvent une pivoine officinale et une pivoine à feuilles de fougère (Paeonia officinalis et P. tenufolia L.), plusieurs variétés de digitale pourpre (Digitalis purpurea L.), un pied d’alouette des jardins (Delphinium Ajacis L.), une nigelle de damas (Nigella damascena L.), plusieurs variétés de pétunia et de phlox (Phlox), un pavot des jardins (Papaver somniferum L.), un glaïeul (Gladiolus) et une campanule carillon (Campanula media L.). Près du pavillon s’élèvent les lis. Méritent d’être mentionnés le beau lis carnolien (Lilium carniolicum Bhrd.), le lis géant (L. speciosum Thbg. ou lancifolium en langage jardinier), le lis turban (L. Martagon), le lis candide et orangé (L. candidum et bulbiferu, L.). Ensuite ce sont les couronnes impériales (Fritillaria imperialis L.) et le conflore (Canna indica L.) qui attirent notre attention. »
« Des deux côtés du sentier principal sont situées trois plates-bandes (A) sur lesquelles les végétaux sont plantés en rangées. Pour la plupart, il s’agit de ceux qui sont présents dans le pays et parmi lesquels il faudrait souligner les suivants : le daphné de Blagay (Daphne Blagayana Frey.), la potentille faux fraisier et à petites fleurs (Potentilla fragariastrum Ehr. et micrantha Ram.), ainsi que la potentille carnolienne (P. carniolica Ker.) qui leur ressemble, puis l’épimède des Alpes (Epimedium alpinum L.), le varaire noir et blanc (Veratrum nigrum et album L.), l’hellébore vert, noir et rouge foncé (Helleborus viridis, niger et atropurpureus), la nivéole printanière et d’été (Leucojum vernum et aestivum L.), l’ail caréné (Allium carinatum L.), le molène faux phlomis ou bouillon blanc (Verbascum phlomoides L.), la pimprenelle (Poterium Sanguisorba L.), la lunaire vivace ou monnaie-du-pape (Lunaria rediviva L.), l’épiaire d’Allemagne (Stachys germanica L.), l’onagre bisannuelle (Oenothera biennis L.), le doronic d’Autriche et à feuilles cordées (Doronicum austriacum Jacq. et Pardalianches L.), le narcisse jaune et des poètes (Narcissus Pseudo-Narcissus et poëticus L.), la digitale jaune (Digitalis lutea L.), la potentille dressée (Potentilla recta L.), l’iris d’Allemagne (Iris germanica L.), l’herbe à la ouate (Asclepias syriaca L.), l’échinops à tête ronde (Echinops sphaerocephalus L.) et bien d’autres encore. »
« Sur la troisième case à droite sont plantées les ombellifères qui abondent vraiment en Carniole. Ici poussent la malabaila de Golaki (Malabaila Golaka), découverte par Hacquet, le Molopospermum cicutarium DC., le cerfeuil musqué de Scopoli (Myrrhis odorata), le cerfeuil doré (Chaerophyllum aureum L.), la berce commune et d’Autriche (Heracleum Sphondilium et austriacum L.), la livèche de Séguier (Ligusticum seguieri), l’Hacquetia Epipactis DC., la grande astrance et astrance carnolienne (Astrantia major L. et carniolica Wulf.) et enfin le gigantesque peucédan verticillé (Tommasinia verticillaris Bert.) »
La description de Voss est plus longue, mais cela devrait suffire pour une brève illustration de la situation. Je ne vais résumer en outre que le côté financier. À l’époque, le jardin faisait partie du lycée impérial et royal et il recevait une dotation annuelle de 210 florins. La municipalité contribuait pour une somme de 105 florins. Avec cela, il fallait payer le professeur superviseur et le travail du jardinier. Voss ajouta qu’il restait très peu pour les dépenses courantes du jardin. En dehors du lycée, il y avait aussi le lycée scientifique ainsi que le département vétérinaire de l’établissement scolaire de la maréchalerie qui avaient le droit de l’utiliser. Jusqu’en 1882, l’école d’instituteurs s’en servait pour l’enseignement de l’arboriculture fruitière. Le jardin était ouvert au public les après-midi, quand il ne pleuvait pas. A la fin, Voss signala qu’il avait dessiné un plan précis du jardin de l’époque puisque le bruit courait alors qu’il était sensé déménager le jardin dans une partie de la ville qui était plus fréquentée : sur les prés qui s’étendaient sous le château de Tivoli, des deux côtés de l’allée de Lattermann (Voss 1885).
Paulin (1912, 1928) écrit sur le jardin tout à fait différemment. Dans le manuscrit daté du 20 décembre 1928, où il retrace une brève histoire du jardin botanique depuis Hladnik jusqu’à la date mentionnée, il se montre particulièrement critique. Il écrit : « Après la mort de Fleischmann en 1867, V. Konschegg, professeur au lycée, reprit la direction du jardin, et J. Rulitz fut nommé jardinier. En 1886, après la mise à la retraite du directeur, le Gouvernement régional le nomma, lui, auteur de ces lignes, principal du jardin et plus tard, en 1910, lui affectèrent comme aide scientifique le professeur du lycée, Fr. Verbic. Entre temps, en 1907, le jardinier Rulitz prit sa retraite et, la même année, Fr. Juvan fut nommé jardinier. » Ensuite Paulin continue : « En ce qui concerne l’état du jardin au cours de cette époque, il faut mentionner qu’après la démission de Hladnik le jardin se dégradait de plus en plus. C’est ainsi qu’on a fondé en 1868, à l’intention de l’enseignement sur la culture fruitière destiné aux « normaliens », une pépinière d’arbres fruitiers. Fut également planté un verger lucratif où étaient cultivées aussi diverses espèces potagères dont la culture était suivie avec la plus grande attention. C’est ainsi qu’en arrivant à la direction du jardin en 1886, je n’y ai relevé en tout que 312 espèces d’arbres, arbustes, sous-arbrisseaux et plantes annuelles indigènes ordinaires. » Tout ceci fut écrit beaucoup plus tard, au bout de 42 longues années passées à la direction du jardin.
Le rapport de Paulin est complètement contraire au texte de Voss (1885) bien élogieux par rapport à ce qu’écrit Paulin qui, si on excepte Hladnik, ne prodigue pas beaucoup de louanges à propos de ses successeurs. Peut-être l’éloignement de l’époque où il avait repris le jardin fut-elle la cause d’un tel rapport. À moins qu’il n’ait porté un autre regard sur cette période et sur le jardin ou encore que la
critique ait porté sur ce jardinage non botanique caractérisant cette époque.
L’époque de Paulin (1886–1931)
D’après les documents manuscrits du jardin botanique pour l’année 1886, il est manifeste que, dès la première année, Paulin a obtenu, en plus des sommes ci-dessus mentionnées (dotation régulière) et la subvention de 105 florins accordée par la municipalité, également une somme de 100 florins attribuée par l’Assemblée provinciale. Paulin remarque que, grâce à cette somme, un plus grand nombre de plantes ont pu être rapportées de la nature et qu’ils sont entrés en relation avec d’autres jardins botaniques où ils se sont procuré 400 semences de divers végétaux. En 1887–1888, il continua ce travail et acheta 600 plantes alpines, de sorte que le nombre d’espèces s’élevait alors à 2000. Pour l’année 1888–1889, il rapporte avoir pour la première fois publié la liste des semences, Index seminum, échangées avec 30 jardins tandis que les espèces présentes atteignaient le nombre de 2829. En 1892–1893 la dotation fut considérablement augmentée en passant de 210 à 420 florins tandis que la subvention de la municipalité de 105 florins resta identique. Paulin indique encore qu’ils étaient alors en contact avec 78 jardins. De plus, il ajoute que l’échange était particulièrement réussi parce que le jardin offrait en retour de nombreuses plantes vivantes. Il cite une excursion réussie sur le Velebit (et, entre parenthèses, il mentionne Rulitz) qui a permis d’enrichir énormément le fonds du jardin. Pour l’année 1893–1894 il indique qu’un peu plus d’espace s’est libéré grâce à l’abandon de l’arboretum et que la municipalité a augmenté de 100 florins la subvention habituelle de 105 florins. Il dit aussi qu’ils ont commencé à réaménager tout le jardin et qu’ils ont agrandi l’alpinum qui s’étend désormais sur 17 collines. Quoi que les mots de Paulin sur l’arboretum soient assez méprisants, il est évident qu’il l’a gardé encore huit années entières. Bien que cela ne soit mentionné nulle part, il est fort probable que Paulin recevait encore quelques moyens financiers pour l’entretien de ce dernier.
En 1894–1895, la source manuscrite indique que l’idée de transférer le jardin à Tivoli faisait son chemin parmi les autorités municipales. C’est pourquoi le réaménagement du jardin s’arrêta. Le tremblement de terre qui eut lieu à Ljubljana en 1895 détruisit le mur et endommagea fortement le pavillon. On lit également que la construction du nouveau pavillon serait reportée en raison d’un éventuel transfert du jardin. Voss (1885) avait déjà mentionné le projet de transfert, idée qui réapparut à ce moment-là. Pour 1896–1897, il remarque que les choses n’ont pas encore été réparées et que, pendant cette période, l’échange s’est arrêté car l’index des semences n’avait pas été publié. En automne 1897, la source indique que le pavillon a déjà été bâti, mais que, la grandeur désirée n’ayant pas été respectée, le bâtiment ne convient pas. Le mur de clôture fut également restauré. L’idée concernant le transfère du jardin est abandonnée ce qui est à regretter, ajoute la source, mais, par contre, il faudra continuer avec le réaménagement du jardin, ce qui sera plus difficile vu que la municipalité a cessé de verser les 100 florins supplémentaires déjà mentionnés. Pour l’année 1898, Paulin évoque que le système est en train d’être réorganisé selon le système d’Engler en vogue à l’époque.
Dans son manuscrit, Paulin remarque que, au moment de reprendre le jardin, il était conscient du travail long et pénible nécessaire pour réussir à élever le jardin au niveau d’une institution scientifique. En 1911, le journal Laibacher Zeitung publie un court rapport sur l’état du jardin, mais Paulin en fait une description plus détaillée dans un article pour le journal Carniola publié en 1912. Il affirme qu’en 1912 le jardin était déjà si bien ordonné qu’il pouvait rivaliser avec de nombreux jardins botaniques universitaires ; cette année-là, le jardin comptait 6000 espèces et comprenait déjà presque toutes les espèces représentées dans la flore carnolienne. C’est grâce aux contacts avec 96 autres jardins botaniques qu’il est arrivé à constituer un fonds d’espèces aussi riche, ce qui était avant tout le résultat de ses listes scientifiquement établies et imprimées, Indices seminum, comme il l’indique dans son rapport. Dans son article, il mentionne encore que, pour le centième anniversaire du jardin (1910), il avait projeté de publier un ouvrage volumineux sur le jardin, comportant jusqu’à 150 pages, qui aurait pu servir de guide, cependant, faute de moyens, il avait dû abandonner cette idée. En 1910, Paulin prit sa retraite en tant que professeur, toutefois il continua à diriger le jardin à la demande du Gouvernement régional (archives du jardin). « Pendant la Première Guerre, les contacts ont été rompus, le jardinier mobilisé et le jardin a beaucoup souffert », précise Paulin (1928) dans son rapport. En dépit de tout cela, il faut noter qu’il existe dans les archives du jardin une longue liste de semences, Index Seminum, datée de 1917, ce qui prouve que la situation n’était pas si mauvaise ou ien que Paulin a su surmonter les difficultés provoquées par la guerre.
Fils de l’intendant du château Turn à Leskovec près de Krško, Alfonz Paulin est né le 14 septembre 1853. Il fréquenta l’école primaire ainsi que le collège à Ljubljana et le lycée à Novo mesto où il passa son baccalauréat en 1873. Il poursuivit ses études à Graz de 1873 à 1878. Comme matière principale, il suivit le cours d’histoire naturelle, comme matières secondaires les cours de mathématiques et de physique. En 1878, il passa l’examen d’État d’histoire naturelle. La même année, lorsque l’Autriche-Hongrie occupa la Bosnie-Herzégovine, Paulin fut mobilisé dans l’armée. Près de Bosanski Petrovac, il tomba malade et c’est ainsi qu’il ne passa l’examen d’État de mathématiques et de physique que deux ans plus tard. Entre 1880 et 1910, il enseigna dans les écoles secondaires de Ljubljana, la plupart du temps au lycée d’État (Petkovšek 1934).
Dès 1886, il assuma la direction du Jardin botanique. Il effectua ce travail 45 ans, jusqu’en 1931, ce qui correspond à la période durant laquelle il se consacra à sa plus grande réalisation : la publication d’une collection de plantes séchées, Flora exsiccata Carniolica. Paulin était le principal chercheur de la flore sur le territoire carnolien de l’époque. Outre la publication de sa propre collection, il collabora à l’herbier de Kerner (Flora exsiccata Austro-Hungarica), de Hayek (Flora stiriaca exsiccata, Flora der Sanntaler Alpen) (Hayek & Paulin 1907), ainsi qu’à l’ouvrage de Hegij (Illustrierte Flora von Mitteleropa). Il écrivit plus de vingt études dans lesquelles il publia entre 1895 et 1917 de nouvelles données sur les plantes nouvellement découvertes et rares de la flore carnolienne, il décrivit quelques nouveaux taxons, réalisa des études sur certains groupes particuliers comme les lycopodiacées (Lycopodinae), les équisétinées ou prêles (Equisitinae), les fougères (Filicinae) ; puis il étudia le genre des alchémilles (Alchemilla), des euphorbes (Euphorbia) et d’autres groupes (Petkovšek 1934). Il s’appliqua aussi à la protection de la nature et, bien que resté inédit, son manuscrit concernant cette question constitue la preuve de l’existence d’un engagement conscient et scientifiquement fondé sur le territoire slovène (Mayer 1988). Dans son deuxième rapport publié, il a également remarqué qu’il faudrait cultiver les espèces des marécages sur un site de substitution dans le jardin botanique vu leur disparition prochaine dans le marais de Ljubljana (Ljubljansko barje) (Paulin 1912). En 1898, il écrivit le premier manuel original de botanique (Verčkovnik 1995), tandis qu’en 1901 il traduisit le manuel sur le règne animal. Il collabora également à la rédaction du dictionnaire slovène-allemand de Pleteršnik. Paulin était membre honorifique de l’Association muséale de Carniole et de l’Association d’histoire naturelle de Ljubljana ainsi que membre correspondant de l’Académie des sciences de Ljubljana. En 1963, un monument fut dressé en son honneur dans le jardin botanique (Kapus 1963, Mayer 1963) et, à l’occasion du cinquantième anniversaire de sa mort, on lui érigea un autre monument au château de Turn, à Leskovec près de Krško. Au cours de cette année cinquantenaire de sa mort (1992), un colloque et une exposition au Musée de l’histoire naturelle de Slovénie (Praprotnik 1992b, c) furent organisés en son honneur (Jogan & Wraber 1992, Praprotnik 1992a). Ce fut Wraber (2008) qui examina les riches oeuvres manuscrites du botaniste A. Paulin, legs conservé à la bibliothèque de l’Académie slovène des Sciences et des Arts (SAZU). Dans le présent ouvrage, sont cités tous les Index seminum dressés par Paulin et conservés au Jardin botanique de l’Université de Ljubljana.
Comme en témoignent les archives de l’université, c’est cette dernière (fondée en 1919) qui a été chargée, en 1920, d’administrer le jardin qui relevait jusqu’alors du Gouvernement régional. À l’instigation des professeurs Rajko Nahtigal (Faculté des lettres) et Karel Hinterlechner (Faculté technique), le conseil universitaire de l’université de Ljubljana décida le 12 novembre 1919 de solliciter le Gouvernement régional de céder le jardin botanique de Ljubljana à l’université (Procès-verbal de la séance du conseil universitaire du 12. 11. 1919). Le Commissariat de l’éducation et du culte du Gouvernement régional de Slovénie donna suite à cette requête par une lettre datée du 13 février 1920 (archives du jardin, Wraber 2000). Jusqu’à cette époque ce fut le Lycée impérial et royal, alors nommé Ier lycée d’État, qui gérait le jardin. Comme le jardin appartenait à la Carniole et partiellement à la Société agricole, les documents d’archives du jardin laissent clairement apparaître certaines complications survenues alors. La Société agricole céda sa partie du jardin au Gouvernement régional en 1919 en échange d’un autre terrain. La Carniole s’y opposait, car elle le considérait toujours comme sa propriété. C’est ainsi qu’elle annula la décision du Commissariat de l’éducation et du culte du 13 février 1920 par laquelle la propriété du jardin revenait à l’université. Elle exigea l’ouverture de négociations qui aboutirent finalement à une décision en faveur de l’université incluant le jardin dans le cahier des charges de cette dernière dès 1920. Le jardin botanique devint ainsi partie intégrante de l’université slovène fondée à cette époque à Ljubljana.
Dans son rapport, Paulin explique : « Par le décret de Sa Majesté le Prince héritier Alexandre daté du 6 novembre 1920, je fus nommé directeur du Jardin botanique universitaire (6e grade) et, l’année suivante, je fus promu au 5e grade le 10 octobre 1921. Le 18 novembre 1920, Franc Juvan fut nommé jardinier de 11e grade par l’administration universitaire ». En 1926, le jardin fut doté encore d’une assistante, Marija Župančič.
Paulin ajoute que dès la reprise du jardin par l’Université il poursuivit ses travaux habituels. Il renoua des contacts avec les jardins botaniques, publia de nouveau la liste imprimée des semences. Il indique qu’en 1922 et 1923 le jardin reçut 3000 échantillons de semences et en envoya 5000. En outre, il reçut aussi plusieurs plantes vivantes rares. Polec (1929) remarque que, avec le jardin, l’Université avait obtenu l’institution la mieux organisée ainsi qu’un excellent conférencier, Alfonz Paulin. Bien que, par la suite, Paulin se soit plaint de ne pas disposer de moyens financiers suffisants pour le jardin et de ne pas avoir pu imprimer de nouveau la liste des semences, il loua néanmoins l’application du jardinier Juvan et de la nouvelle assistante ; il ajoute que le jardin possède de nouveau un grand nombre d’espèces indigènes de montagnes (Paulin 1928, Praprotnik 1993b).
En plus du travail qu’il exerça dans le jardin, Paulin donna des cours ; cependant, il mentionne qu’après deux semestres, il y renonça pour des raisons importantes que pourtant il n’indique pas (Paulin 1934). Petkovšek (1934) rapporte que Paulin a renoncé à ces cours de botanique systématique à l’université de Ljubljana dont il avait été chargé pendant deux ans surtout en raison du mauvais climat qui régnait à l’institut botanique. Dans son rapport, Paulin (1928) regrette que le jardin ne soit pas doté d’une serre en ajoutant qu’un jardin universitaire sans serre est inconcevable. Il remarque avoir proposé dès 1922 un plan minutieux à la direction des constructions, mais malheureusement sans succès.
À côté d’autres publications (Wraber 2008), c’est la Collection de la flore carnolienne séchée, Flora exsiccata carniolica, qui constitue la grande oeuvre d’Alfonz Paulin ; parue de 1901 à 1936, elle regroupait 20 centuries dotées de 2000 numéros (Wraber 1966). Dans le rapport de 1928, Paulin indique que jusqu’en 1914 dix centuries (de n° 1 à 1000) de la collection parurent déjà. « En 1927, j’ai publié les centuries XI et XII (nos 1201–1400) et au mois de janvier 1929 paraîtront les centuries XV et XVI (nos 1400–1600). Dans ce travail scientifique, les plantes vivantes de notre jardin se sont avérées très précieuses en vue d’une étude comparative », ajoute Paulin dans le rapport mentionné.
Une description ainsi qu’une liste des plantes assez détaillées rédigées par Paulin et qui existent toujours dans les archives du jardin prouvent qu’à son époque le jardin était vraiment exemplaire et qu’il possédait le plus grand nombre d’espèces différentes peut-être de toute son histoire. La plantation systématique, comme il appelle ce système de plantes, était organisée selon le système d’Engler et se composait de 170 plates-bandes et carrés sur lesquels se trouvaient 75 familles de monocotylédones et dicotylédones avec 1800 espèces. Puis, il mentionne quatre plus grandes divisions d’arbres et d’arbustes où sont représentées sept familles avec 160 espèces. Il cite en particulier les deux plus grandes divisions avec des conifères où 50 espèces sont représentées. Les végétaux d’ombre, comportant 250 espèces, sont plantés sur 13 plates-bandes. Il ajoute que ces dernières ont été réalisées en 1924 et 1925. En 1923, on a préparé six plates-bandes pour les ptéridophytes avec 60 espèces. Ensuite, il y a trois plates-bandes plutôt grandes et quatre plutôt petites pour les plantes annuelles et bisannuelles où on trouve jusqu’à 200 espèces.
Quatre bacs en ciment destinés aux plantes aquatiques et marécageuses étaient peuplés de 230 espèces. Vingt-sept collines construites en pierres, dont neuf érigées en 1928, occupaient une grande partie du jardin. Là poussaient certaines espèces des montagnes, du karst, pontiques et illyriques ainsi que quelques espèces indigènes d’Asie tempérée et d’Amérique qui ne réussissaient pas dans des plantations systématiques. Tout ensemble 1180 espèces y poussaient. Sous l’article neuf, il cite une serre chauffée bâtie et cinq serres froides construites en planches avec 45 fenêtres. On y cultivait 3800 pièces semées dans des godets avec environ 2000 espèces. Il ajoute : « Parmi celles-ci, il y a aussi, comme le jardin ne possède aucune serre, 350 types indigènes des régions méridionales cultivées dans des serres chaudes ». Sous la rubrique concernant l’équipement du jardin, il mentionne pour 1922 l’installation de la distribution d’eau. Selon les écrits de Paulin le jardin mesurait à l’époque 72 ares et 43,9 m2 et fut clôturé à l’aide d’un mur long de 400 mètres, haut de 2,5 à 3 mètres et d’une épaisseur de 50 centimètres, partiellement en pierres et partiellement couvert de tuiles faîtières. En 1927 et 1928, il fut restauré au moment où on recouvrait le toit du pavillon. Concernant l’inventaire de l’équipement, il indique encore que la vaste bibliothèque fut transférée en 1921 à l’Institut botanique situé au sein du bâtiment de l’Université, bien que le jardin ait quand même gardé quelques livres de l’époque.
À la fin du rapport, il ajoute : « Pour que l’entretien du jardin puisse continuer, pour qu’il puisse rester à son niveau scientifique et qu’il continue à progresser, il faudrait, évidemment, des dotations plus élevées. Celles-ci étaient insuffisantes selon tous les points de vue mentionnés. C’est avant tout le personnel technique du jardin qui devrait être augmenté », rapporte-t-il dans son compte rendu du 20 décembre 1928, écrit d’une écriture vraiment exemplaire et lisible. Le compte rendu est signé « prof. A. Paulin, directeur du jardin bot. », mais l’écriture est probablement celle de son assistante, Marija Župančič.
Après le départ de Paulin en 1931, de nombreuses personnes très importantes se succédèrent à la tête du jardin. Fran Jesenko (1875–1932) y expérimentait le croisement entre le froment et le seigle. Dans les archives du jardin, il existe un livre d’essais assez volumineux relatant les succès et échecs de ces croisements. Lazar (1960) ajoute qu’à l’époque il n’y avait pas d’intérêt pour l’agrandissement du jardin et que Jesenko était donc obligé de chercher un espace pour ses expériences. Il le trouva enfin à Beltinci, lieu assez éloigné. Au début du XXe siècle, Jesenko faisait partie des généticiens mondialement connus (Kreft 1990). Malheureusement, comme il a été victime d’un accident, d’autres durent vite reprendre son travail. Jovan Hadži (1884–1972) succéda à Jesenko jusqu’en 1933, Stjepan Horvatić (1899–1975) jusqu’en 1941, et Gabrijel Tomažič (1899–1977) jusqu’en 1945.
Comme nous l’avons constaté, l’époque de Hladnik continua bien après le départ de ce dernier ; et on pourrait dire la même chose de Paulin, sauf que son époque dura encore plus longtemps. C’est que le jardinier Franc Juvan, devenu un excellent connaisseur de végétaux sous la direction de Paulin, travailla dans le jardin entre 1896 et 1960 (Wraber 1985). Tout d’abord il travaillait comme jardinier auxiliaire, puis, à la retraite du jardinier Rulitz en 1907 il prit sa place (Paulin 1928). Comme Fleischmann, qui travailla dans le jardin de 1819 à 1867, Franc Juvan y passa une période encore plus longue et savait si bien comment régler les affaires courantes du jardin que les changements rapides des directeurs ne se ressentaient même pas. Entre les deux guerres, le jardin fut géré par Tomažič et, après la Seconde Guerre mondiale, ce fut Jože Lazar qui en prit la direction.
L’époque de Lazar et de Strgar (1945–1992)
Jože Lazar fut engagé au jardin comme assistant en 1933 (Mayer 1975). Dans les archives du jardin existe un document tapé à la machine daté du 15 décembre 1931 relatif à la proposition d’engager Jože Lazar, candidat ayant terminé ses études mais encore sans diplôme, comme fonctionnaire technique qui serait chargé d’exercer temporairement les fonctions de directeur du jardin botanique. Le document ne laisse pas voir si cela s’est produit ou non. C’est la signature de F. Jesenko qui apparaît sur les documents du jardin, ce qui signifie que seul l’écrit de Mayer parle de l’engagement de Lazar.
Lazar est beaucoup plus modeste que Paulin dans son texte rédigé à l’occasion du 150e anniversaire du jardin. Il ne fait l’éloge que des autorités d’après-guerre qui avaient attribué au jardin le terrain voisin mesurant 160 ares sur lequel il serait possible de transférer la partie systématique du jardin et de l’organiser selon les normes contemporaines de la taxinomie et de la phylogenèse. Comme il apparaît dans le rapport, le jardin a obtenu ce terrain le 5 août 1946. À l’époque il mesurait 2,3 ha. L’alpinum, peuplé de représentants de la flore montagnarde non seulement locale, mais aussi partiellement asiatique et américaine, fut réorganisé et agrandi. Plus tard, un étang fut creusé, diverses installations accessoires du jardin furent restaurées, la partie comportant les végétaux du littoral slovène, du Velebit et d’autres éléments balkaniques fut réaménagée. On commença à aménager un groupe écologique assez important. Or, il est moins connu qu’au cours de cette période on s’occupait beaucoup du développement des nouvelles sortes de pommes de terre à l’aide du croisement et de la sélection ; d’une manière semblable, on travaillait dans le jardin à l’amélioration de la betterave sucrière. On faisait également des recherches sur différentes sortes de céréales apportées de Russie (Lazar, rapport de 1949).
En 1955, la construction de la serre fut terminée et les végétaux plantés. La serre, d’ailleurs très simple, est rapprochée du bâtiment du côté est-sud et reçoit ainsi le plus de soleil, ce qui est très important du point de vue énergétique. L’une des parties latérales s’appuie sur le pavillon, ce qui diminue les pertes. La serre a été conçue dans le cadre du séminaire de Plečnik. C'est Boris Gaberščik, alors étudiant, qui a réalisé le plan de la serre. Plečnik lui aurait, paraît-il, dit : « Eh bien, aujourd’hui on fera quelque chose pour les plantes ! » Cependant, il faut ajouter qu’en ce temps-là le jardin a déjà subi la première réduction spatiale. En 1959, la reconstruction de la courbe sur la rue Ižanska cesta fut achevée et la clôture du jardin repoussée dans son intérieur. Ainsi, une partie de jardin resta en dehors de la clôture à cet endroit. Alors, l’ancienne clôture en dur fut remplacée par l’installation d’un grillage (Rapport de 1959).
Les recherches de Lazar comprenaient surtout l’étude des algues (Mayer 1975). Il a écrit deux ouvrages importants, Algues de Slovénie (1960) et Extension des algues d’eau douce en Slovénie (1975). Il consacra beaucoup de temps au travail dans le jardin. C’est ainsi qu’on construisit, à côté de la serre, encore des locaux destinés au laboratoire et, en même temps, on aménagea quelques groupes écologéographiques.
En 1967, c’est le professeur Vinko Strgar (1928–1992) qui reprit la direction du jardin tout en continuant le travail de son prédécesseur (Wraber 1992). Malheureusement, au lieu de s’agrandir, le jardin commença à rapetisser. Il se trouva entravé par la modernisation de la route et du chemin de fer. Et pourtant, malgré tout, le jardin continua à augmenter le nombre de contacts avec les institutions semblables et put bientôt s’enorgueillir d’avoir établi 316 contacts. En collaboration avec le département de biologie, les efforts s’orientèrent vers l’acquisition d’un terrain pour un nouveau jardin botanique au-dessous de Rožnik et, plus tard, vers la construction d’un centre biologique universitaire (Strgar 1987a). Dans son travail de recherche, Strgar se consacrait tout particulièrement à l’étude du genre Sesleria. Il découvrit et décrit la joubarbe endémique qu’il nomma, d’après Franc Juvan, Sempervivum juvanii (Strgar 1971), puis il cultiva certaines espèces endémiques ou menacées (Degenia velebitica (Strgar 1979), azalée pontique – Rhododendron luteum (Strgar 1987b), Dapne blagayana (Strgar 1976), Scopolia carniolica f. hladnikiana (Strgar 1987c). Après le décès de Strgar, ce fut le professeur Tone Wraber qui reprit temporairement la direction du jardin tandis que, depuis 1995, le jardin est dirigé par l’auteur du présent article.
L’époque récente
Depuis le début de l’année 1995 jusqu’en 2010, nous avons rénové le jardin grâce aux moyens de la municipalité de Ljubljana, plus tard nous avons obtenu également des moyens de la part de l’État. Bien que ceux-ci n’aient pas été suffisants, nous en avons tiré profit, vu que beaucoup de travail a été effectué par le personnel du jardin lui-même, ce qui a contribué à une rénovation plus rapide et moins chère. Nous avons rénové tous les édifices du jardin et restauré les pièces d’eau ; donc c’est uniquement l’ancienne serre qui n’a pas été l’objet d’une rénovation radicale. Celle-ci a été remise au bicentenaire du jardin en raison surtout de différents plans et de promesses de longue date. En 1997 et 1998, nous avons rénové la clôture du jardin et, en 1999, nous avons commencé la rénovation des édifices, à peine terminée en 2005/2006, faute de moyens. Ici, nous avons réussi à obtenir une salle de conférence destinée à différents usages. À cette époque, les fondations pour une nouvelle serre, plus grande, ont déjà été jetées, mais ce projet n’eut pas de suite. Dans les années 2001 et 2003, nous avons aménagé un espace pour les plantes méditerranéennes et commencé l’aménagement du jardin thématique formel près de la serre. L’ancien édifice d’administration a été rénové en 2001 et nous avons commencé à y organiser régulièrement des conférences et des ateliers destinés à un large public. En 2006, nous avons remblayé le fossé de construction déjà préparé pour la nouvelle serre et nous avons changé cette partie en prairie sèche. La serre tropicale sera financée par l’Université grâce aux fonds du Ministère de science et de technologie. Les travaux commenceront au cours de l’année anniversaire du bicentenaire du jardin. En 2000, nous avons planté à l’emplacement du futur jardin au-dessous de Rožnik, près du Centre Biologique sur la rue Večna pot, à l’entrée du futur jardin, une plantation des cerisiers japonais, don de l’État du Japon à la Slovénie. En 2004, nous avons terminé la serre inachevée sur ce site grâce aux moyens difficilement économisés dans le jardin. C’est au cours de l’été 1998 que nous avons pris l’initiative de louer une prairie sèche aux alentours de Ljubljana, projet réalisé plus tard. Le jardin a pris en gérance, près de la maison du professeur Jeglič que celui-ci avait léguée au jardin botanique en 1970 (Strgar 1985), une prairie sèche de 2 ha que nous fauchons une fois par an.
Depuis 1995, le jardin fait partie de l’organisation botanique internationale, Botanic Gardens Conservation International (BGCI) et de l’association internationale des jardins botaniques alpins, Associazione Internazionale Giardini Botabici Alpini (AIGBA) depuis 2003. Depuis l’entrée de la Slovénie dans l’Union Européenne en 2004, nous représentons le réseau des jardins botaniques slovènes au sein du Consortium européen des jardins botaniques. Chaque année nous publions toujours l’Index seminum – le catalogue des graines récoltées dans le jardin et dans la nature. De nos jours, nous l’envoyons à 300 jardins botaniques à travers le monde. Entre 140 et 180 jardins botaniques passent des commandes annuellement et ainsi nous envoyons plus de 2000 sachets de semences par an. Nous assistons aux rencontres internationales ainsi qu’aux congrès des jardins botaniques tout en y participant activement. En 2007, le jardin fut présenté dans l’ouvrage Botanic garden a Living History (Monem 2007) avec d’autres jardins botaniques importants du point de vue historique.,.
En automne 2009, nous avons commencé, bien que temporairement, à gérer la serre du parc Tivoli, ce qui nous a emmenés 200 ans plus tard, au moins symboliquement, à l’endroit proposé pour le jardin botanique tout au début, en 1809 ; d’ailleurs, cet emplacement a été présenté à plusieurs reprises comme étant une option très sérieuse pour le jardin (Voss, document manuscrit, Paulin, manuscrit 1928, Lazar, manuscrit 1945, Lazar 1960).
En 2008, le jardin a été proclamé monument culturel d’intérêt national. Bien qu’au cours de son histoire on ait souvent discuté du transfert du jardin botanique, il est situé aujourd’hui encore au même endroit. En dépit des nombreux changements politiques et étatiques, le jardin n’a jamais interrompu son activité. Ainsi, il a fonctionné dans sept États pendant tout ce temps, si l’on tient compte de ce que la Slovénie est membre de l’Union européenne aujourd’hui. Le tilleul de Marmont, plantée en 1810, 200 ans plus tard, offre toujours son ombre aux visiteurs.
Remerciements
Au moment de clore cet aperçu minutieux de l’histoire du jardin botanique, je tiens à remercier le professeur Dr Tone Wraber qui m’a fourni certains ouvrages anciens manquants. Il a également proposé quelques rajouts importants pour que l’histoire du jardin soit, grâce aux données connues jusqu’à présent, plus complète. Je tiens également à remercier la conseillère du Musée de l’histoire naturelle, Dr Nada Praprotnik, qui a, grâce à sa connaissance des faits historiques de la botanique slovène et grâce au catalogue des plantes de 1812 nouvellement découvert, contribué à une connaissance plus exhaustive des premières années d’activité du jardin.